Etienne Hubert, greffier, termine alors son procès-verbal(1).

"A ces causes et de concert avec Messieure les officiers municipaux, nous célébrerons dans notre église, demain lundi onze du courant, à onze heures précises, un service solennel pour le repos de l'âme d'Honoré Riqueti Mirabeau, lequel sera annoncé la veille et le jour par le son des cloches et au son du tambour, et ausquel service vous êtes invités et priés d'assister. J'ose me flatter qu'aucun de vous n'y manquera autant que faire se poura, afin de joindre vos prières aux miennes, en reconnaisance des services essentiels qui la rendu et qu'il rend encore par l'organe de nos augustes représentants.

J'invite aussi la garde nationale de cette paroisse à se réunir sous les ordres de Monsieur Monnay, contrôleur du canal du Loing, leur commendant, reconnu parfait patriote, pour assister à cette lugubre et patriotique seremonnie.

Fait, clos, et arrêté se jour et an que dessu (2)".


Mirabeau dont les restes reçurent les honneurs du Panthéon en 1791, sera le 10 septembre 1792, pendu en effigie Place de Grève.

Le 1er avril 1792, François Guéneau est élu aumônier de la garde nationale par l'assemblée de la commune. Les idées révolutionnaires commencent à agiter le pays, semant la discorde parmi les paroissiens.

"Avancé en âge, il éprouvait dans l'accomplissement de son ministère, des difficultés croissantes. Il se démit de sa cure au mois de novembre suivant et quitta la paroisse. Quelques semaines après, il était remplacé par le citoyen Jacquinet prêtre constitutionnel".

Guéneau avait été nommé le 1er novembre 1792 à la cure d'Auxy près de Beaune-en-Gâtinais. Avait-il fait l'objet d'une mutation d'office ? Si rien ne permet de le dire, on a tout lieu de le croire ! Toujours est-il, qu'en cette fin d'année 1792, ses relations avec des membres de la municipalité deviennent moins cordiales pour ne pas dire envenimées.

Il s'en plaint d'ailleurs au travers d'une lettre qu'il adresse dès son arrivée à Auxy au Ministre de l'Intérieur, qui la transmet au district de Montargis le 12 novembre (3).


"Je vous envoie un mémoire du Sieur Guéneau, ci-devant curé de Nargis, par lequel il expose qu'ayant été nommé par l'assemblée électorale à la cure d'Auxy, il s'est absenté quelques jours de Nargis pour vaquer à ses affaires; qu'y étant revenu pour faire enlever ses meubles, il a trouvé sa maison gardée par deux particuliers de Toury, qui lui ont dit qu'ils y avaient été mis par ordre de la municipalité de Nargis; que sur les représentations qu'il a faites à cette municipalité de sa conduite, elle lui a laissé enlever ses meubles, en l'obligeant à signer un acte par lequel il s'est soumis à faire remettre à ses frais, une alcôve, des armoires et des placards qu'il avait fait déplacer pour les emporter comme objets à lui appartenant, les ayant racheté à son prédécesseur.
Il réclame contre cet acte qu'il prétend qu'on lui a a fait souscrire les armes à la main".


La municipalité avait pour sa part adressé au district deux procès-verbaux de l'affaire, datés des 28 et 29 septembre. Le 13 décembre, ce même district répond qu'il "estime que les plaintes de ce curé contre la municipalité et contre la garde nationale de Nargis, sont non seulement sans fondement, mais ils peuvent être rétorqués contre lui".

Guéneau se trouvait débouté de sa demande et s'installait à Auxy. Quelques temps auparavant, en juin, alors qu'il est encore curé de Nargis, un fait parisien et sa conduite vont provoquer sa mise à l'écart de la paroisse, certainement sa "mutation" à Auxy, puis son arrestation.

 


(1) L'orthographe du registre municipal auquel ce discours a été emprunté, a été scrupuleusement reproduite.
(2) Annales du Gâtinais n° 6 - année 1888.
(3) Archives départementales du Loiret L 516. Noté par l'abbé Crépin et communiqué par Monsieur Gaston Leloup ( Pièce appartenant à la Société d'Emulation de Montargis).