Conservateurs des biens de la cure, les marguilliers sont, autant et plus que le curé, les maîtres de l'église et de ses annexes. Des conflits de compétence sont fréquents. Charron dans son manuscrit, nomme quelques uns de ses Nargissiens dévoués à leur curé et paroisse. Je les cite ici, pour montrer la continuité de certains noms en 1995.

Il s'agit de Jehan Bouquinville et Jehan Delaveau puis Yves Toison et Louis Beauvais en 1698, Pierre et Jacques Point en 1709, Jean Combe en 1716, Jean Chaumeron en 1717, Jean Prochasson en 1727, Nicolas Rodde en 1728, Alexandre Picard en 1729, Etienne Bègner en 1732, J. Prochasson en 1734, Germain Noël Béranger et François Bignet en 1783 etc....(1) Ce n'est là qu'une courte énumération puisque les élections ont lieu chaque année.

Tous les marguilliers n'étaient pas exempts de reproches. Le 6 novembre 1697, un procès verbal de visite du doyen du Gâtinais nous est parvenu (2). Messire de Cossé, chanoine de Sens, a été délégué par Monseigneur l'Archevêque de Sens, pour visiter cette partie du Gâtinais. C'est inhabituel. A cette époque cette tâche incombe normalement à Messire Arnaud, archidiacre, mais empêché par ses infirmités, il ne peut se rendre lui-même dans ces paroisses.

"A deux heures de l'après-midi, a été visitée l'église de Saint Germain de Nargy en présence de Messire Jean Bannier prestre curé du dit lieu et autres habitants, le Saint Sacrement s'est trouvé décemment colloqué, les saintes huiles renouvelées, les fonts baptismaux en bon ordre, et sur ce qu'il nous a été représenté par ledit sieur curé que le nommé Charles Poing, marguillier, ne s'acquittoit plus de son devoir envers l'église, nous l'avons déposé et nommé à sa place la personne de Jean Chariot pour marguillier conjointement avec Guillaume Petit que nous avons continué .... et quant au dit Chariot l'avons requis d'accepter la dite charge et d'en pest... par devant le dit sieur curé et encore ordonné que le dit Poing rendrait son compte dans la Saint Rémy prochaine pardevant Monsieur le Curé de Fontenay que nous avons commis à cet effet".

Ces visites du doyen permettaient de régler parfois certains comptes qui n'avaient rien à voir avec la comptabilité. Ainsi en 1673, Bailly le curé de Nargy, profite de la visite du doyen pour signaler "qu'il y a quelques personnes qui n'ont satisfait au devoir pascal". Les seuls nommés sont .... "Charriaux et Charles Denoeux " marguilliers.
Ainsi sait-on, avec ces procès-verbaux qu'en 1697, il y a 330 communiants, que la dîme rapporte 700 livres, et que les comptes de la fabrique s'élèvent à 150 livres (3).

En 1716, Jean Combe avait rendu son compte qui s'élevait à 257 livres 15 sols et 9 deniers. Les quêtes avaient produit 8 livres, la vente de grains donnés à l'église 19 livres, les rentes et cens 90 livres.

Les comptes de la fabrique de Nargy, sont en fait d'une simplicité extrême: des recettes, des dépenses, un excédent appelé le "finitio" qui sera reporté et voilà ..... les comptes sont finis . Une section extraordinaire et une ordinaire appelées d'investissements et de fonctionnement existent. C'est une grande boîte, avec les sous encaissés et décaissés. Les comptes sont notés malgré tout, car l'abbé de Ferrières veille.

Les comptes de recettes et de dépenses s'établissent ainsi:

En recettes, le finitio du compte précédent et les arrérages dus figurent en première ligne .

La ligne de recettes suivante concerne la vente de pain. Il s'agit de la vente des restes de pain bénit qui a lieu après la distribution faite aux fidèles assistant à la messe du dimanche; ces restes sont vendus ....aux enchères à la porte de l'église et achetés en vue de conserver la santé du corps et de l'âme(4). Ce pain pouvait également provenir de la "miche des trépassés". La famille du défunt offrait une miche destinée à être vendue au profit de la fabrique.

Les lignes 3, 4 et 5 voient s'inscrire les recettes des quêtes, les recettes des rentes provenant de legs ou d'intérêts des sommes prêtées par la fabrique, et les recettes de louages et revenus. La fabrique de Nargis possédait ainsi en 1791, deux arpents de terre à Toury; elle avait entre autres 70 morceaux de terre qui lui rapportaient 255 livres 11 sols de revenu.  La commune à la même époque ne percevait pour ses propriétés que 19 livres 19 sols alors que le seigneur de Pithurin avait un revenu de 574 livres 10 sols. Les bénédictins de Ferrières percevaient quant à eux 863 livres 14 sols et la fabrique de Fontenay 6 livres.

La dernière ligne, la 6, est celle des deniers extraordinaires. Par exemple la fabrique recevait le tiers des amendes perçues à l'encontre des blasphémateurs. Une ordonnance royale du 5 décembre 1581, portait défense à tous les sujets du Royaume de ne blasphémer ni jurer le nom de Dieu, de la très sacrée Vierge , ni des Saints. De même, dans ce chapitre figurent les amendes fixées par le curé à l'encontre de paroissiens pris en faute de travail ....le dimanche.

Ces recettes permettent ainsi de régler les dépenses de mises ordinaires.

Les mises ordinaires représentent les sommes versées au curé pour les obits (5) et anniversaires, les sommes payées au maître d'école (6) comme magister et clerc paroissial. Elles représentent également les frais de fonctionnement occasionnés par les achats de cire, de cierges, d'huile, de vin de messe, de balais, de charbon, de buis, de cordes pour les cloches. Les frais de blanchissage sont réglés au moyen des crédits de ce chapitre.

Au chapitre des mises extraordinaires figurent ce que l'on appelle les travaux d'investissements. Sont réglés ici les devis de réparations des murs du cimetière, des travaux de l'église.

Enfin au chapitre 3 sont mentionnées les reprises, factures restant à régler, engagements à échéances futures, reprises de déficit du finitio.
 


(1) L'orthographe des noms varie constamment en fonction de celui qui les écrit ou des prononciations locales ( Charreau et Chariot, Garreau et Garriot, Lefèbvre et Lefebure, Bignet et Beignet, Faulvain et Fauvin). C'est l'institution du livret de famille après 1870 qui normalisera l'orthographe de notre patronyme. .
(2) Archives départementales de l'Yonne - référence G 79.
(3) Impôt qui consistait dans le paiement d'une redevance en nature au clergé ou à la noblesse.
(4) Annales du Gâtinais n° 26 page 132 - année 1908 - Bibliothèque Durzy de Montargis.
(5) Service anniversaire pour le repos de l'âme d'un mort.
(6) Un édit du 13 décembre 1694, oblige les paroisses dépourvues d'un maître d'école à en établir un. Bien souvent ce sera un habitant de la commune. Il peut être greffier, meunier, sonneur ou chantre. Il devait être parfois difficile de trouver le candidat qui écrivait comme un notaire.