Sous l'Ancien Régime (1),
l'église est entretenue et ses biens gérés par la fabrique. Ce mot désigne
à la fois tout ce qui appartient à une église paroissiale et le corps de
ceux qui administrent les biens qu'on appelle les marguilliers
(2).
Les fabriques ont été fondées pour deux raisons : décharger les curés
d'une administration à laquelle ils étaient souvent mal préparés et d'une
responsabilité quelque fois lourde et à laquelle on n'était pas fâché de
substituer celle des laïques. Des irrégularités plus ou moins
involontaires se constataient dans les comptes de certains curés. Des
prêtres pouvaient mettre en péril les biens à eux confiés et l'on avait
alors aucun recours contre eux.
Avant la Révolution, la fabrique est le centre temporel de
l'administration de l'église du village, le seul centre permanent des
intérêts collectifs, dans un village où l'église tient une place éminente.
Entre l'église et le village il n'est pas de lien plus étroit que celui du
cimetière. Il appartient à l'église, et, à Nargis, la fabrique
l'administre avec une attention... défaillante; les clôtures n'étaient pas
entretenues, le terrain était envahi par les bestiaux qui venaient y
paître, les femmes y étendaient leur linge; on y déposait le bois,
planches et perches nécessaires à certains travaux. C'était l'endroit où
l'on parlait et où quelquefois des soudards avinés en venaient aux mains
(3).
Un édit d'avril 1695, porte que les habitants des paroisses sont tenus
d'entretenir et de réparer la clôture du cimetière qui doit être béni et
clos. Nargis semble s'y être alors employé et ce dès 1688 où quelques
parties de murailles furent relevées.
Le nombre des membres de la fabrique varie de un à quatre. Les
marguilliers sont élus par l'Assemblée générale des habitants.
Le notaire, personnage éminent du village se place à la porte de l'église
à l'issue de la grand messe ou des vêpres, intercepte les moins rapides à
se rendre à la taverne (4) qui n'ouvre qu'à
l'issue du Saint-office, et en présence du curé et ... d'une bonne dizaine
d'habitants " constituant la plus saine et grande partie des habitants"
les marguilliers vont être élus. L'élection se fit longtemps d'après le
principe du suffrage universel. Au 17ème siècle on restreint ce droit,
dans certaines campagnes, à ceux qui paient un certain minimum de tailles.
Elu ou nommé, le marguillier est tenu d'accepter les fonctions.
Il est choisi obligatoirement parmi les paroissiens, doit être laïc, de
bonnes vie et murs, savoir lire et écrire. Si l'on ne sait rien sur leur
moralité, une chose est certaine; ils ne savaient pas tous écrire. Ils
sont nommés plus pour leur bonne volonté que pour leur connaissance de la
comptabilité ou de l'écriture. Lors de l'acceptation du devis de l'église
en 1705, le notaire note parmi les personnes présentes ne sachant pas
signer, entre autres, les deux marguilliers de la fabrique, "Pierre et
Jacques Poingt ". Certaines nominations devaient être le fruit de la
collusion de certains habitants contre tel ou tel voisin. On n'était pas
trop mécontent de pouvoir se venger de la sorte. Et comme l'heureux élu ne
pouvait pas refuser....
Et pourtant, leurs fonctions revêtent théoriquement une importance
capitale pour la vie religieuse.
Ils sont responsables de l'entretien de l'église, de son aération et de sa
décoration; ils ont la garde du mobilier qu'ils doivent inventorier chaque
année et conserver en bon état: linge, nappes d'autel, aubes, surplis,
bonnet carré de Monsieur le curé, bas et chapeau du suisse, croix,
aspersoir (5), burettes, campane
(6), ornements sacerdotaux.
Ils administrent les fonds, perçoivent les revenus, acquittent toutes les
charges du culte dont ils doivent respecter strictement les usages. Il est
nécessaire que l'ordre règne et qu'une gestion saine soit mise en place.
Les recettes de rentes, lors de l'acceptation du devis de réparations de
l'église et sur les moyens dont on va régler le sieur Chertemps,
entrepreneur, sont importantes. Seulement neuf rentes vont permettre de
payer ces travaux. Elles devaient permettre d'infléchir Dieu et
d'accueillir ainsi, avec une certaine bienveillance, l'âme du légataire au
paradis.
Leurs pouvoirs se bornent certes, à des actes d'administration. Ils ne
peuvent prendre de décisions importantes: constructions nouvelles,
dépenses extraordinaires sont du ressort de l'Assemblée générale de la
paroisse.
Mission plus grave, ils ont aussi à faire respecter les usages, régularité
de la grand messe, exécution des fondations, distribution de pain bénit,
sonnerie de cloches, occupation des bancs, chapelles, nomination des
serviteurs ordinaires, autorisation des quêtes et
des confréries.
|
(1) Références Annales du Gâtinais n° 26 - année 1908 et le livre de
M. Gabriel Lebras - l'église et le village.
(2) Ils étaient également appelés marreliers,
fabriciers, fabriciens, proviseurs, jurés ou maîstres.
(3) "...il peut en résulter des
inconvénients pour la salubrité de l'air, que les habitants s'y
rassemblent le dimanche en fête à la sortie de l'église et qu'ils y
commettent des indécences". (Archives départementales de
Seine-et-Marne)
(4) En 1694, le cabaretier était Vincent
Charrau ; sa femme était Isabelle Grognet. Après que le seigneur eut vendu
en raison de son droit de banvin sa récolte au détail, les vignerons
pouvaient vendre au détail ou en gros leur récolte. Ils devenaient alors
cabaretiers d'occasion. La vente du vin était rigoureusement contrôlée par
les agents de la Ferme. Ce contrôle effectué, un "bouchon", branche de
genévrier ou de sapin, était fichée au-dessus de la porte du vendeur qui
ne pouvait céder le vin des barriques marquées d'avance et, que pinte par
pinte,
(5) Goupillon.
(6) Autrefois cloche, sonnaille. |