Les jours passent, très chargés: douze et parfois
dix-huit heures de travail par jour. Un soir, le dernier consultant parti,
je vois arriver dans ma salle d'attente trois personnes qui n'ont pas
l'air de malades. Je maugrée intérieurement, vouant ces trois
retardataires à tous les diables.
Il s'agit en fait du maire de Colomb Béchar et de deux de ses amis.
Présentations faites, sans fioriture, le trio me demande si je
consentirais éventuellement à ajouter mon nom sur leur liste pour les
prochaines élections municipales. J'avoue mon ignorance de la chose
publique... et ils m'expliquent : Par suite de dissensions internes
attisées par le préfet, donc le gouvernement, le conseil municipal vient
d'être dissout, après qu'une série de démission n'eussent plus permis
d'atteindre le "quorum" légal pour siéger.
Le gouvernement, par l'intermédiaire du préfet de la Saoura
(1) a donc prononcé la dissolution du
conseil, la mise en place d'une commission administrative chargée
d'expédier les affaires courantes et fixé la date de nouvelles élections
destinées à remplacer le conseil défaillant.
Je connais bien le maire, enseignant en disponibilité, qui gère
parfaitement sa ville. Je donne donc mon accord, sans réserve.
Face à cette liste du "maire sortant", s'est constituée une liste soutenue
par les autorités gouvernementales. L'élection aura lieu le 11 juillet !
11 juillet ?... tous les Européens ou presque sont en vacances en
métropole comme d'habitude. Il ne restera donc plus que quelques
"convaincus" face aux musulmans. Tel doit être le savant calcul des
politiciens officiels ! Que faire devant cette évidence sinon se battre ?
Et nous nous sommes bien battus, légalement, sans une bavure, de tout
notre coeur, de toute notre foi en la France.
Le 11 juillet était un dimanche. Ce jour-là, tout naturellement, était
celui de mon tour de garde pour l'agglomération de Colomb Béchar. J'ai pu
faire mon devoir électoral entre deux urgences et, le soir, vers
vingt-et-une heures, passant devant l'hôtel de la Saoura notre P.C. j'ai
entendu une ovation monter vers moi ! Notre liste "Pour la France" était
élue dans sa totalité ; la liste adverse n'avait aucun élu ! Mais, comble
de joie et de confusion, j'étais personnellement élu avec une majorité
confortable, ce qui me désignait pour le poste de maire de Colomb Béchar !
!?
Le champagne a coulé ce soir-là...
Quelques jours plus tard, tout à fait constitutionnellement, le préfet est
venu à la mairie, confirmer le scrutin et introniser la nouvelle équipe.
Elle comptait environ un quart d'européens et trois quarts de musulmans.
La cérémonie n'a duré que quelques minutes et s'est déroulée dans un
climat plutôt tendu, les élections n'ayant pas donné, loin de là, les
résultats attendus par le gouvernement, et donc le préfet qui représentait
ce dernier ! Le gouvernement n'avait pas pu rallier les musulmans en
question à sa thèse et ils avaient préféré garder le statut en vigueur en
Algérie.
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