Un jour, notre "Toubib Seghir" nous a quitté
: les besoins du service ! Mais nous n'avons jamais perdu le contact. Il
était rentré en métropole et poursuivait ses études à Paris, dans le but
de devenir anesthésiste-réanimateur. Il y a fort bien réussi puisque
intégré dans une équipe de chirurgie osseuse, une des plus renommées de la
capitale.
Enfin, nous nous sommes revus, quelques années plus tard et nous avons
évoqué cette période de notre vie au Sahara et je lui ai posé la question
:
"Maintenant, vous voici dans le milieu chirurgical que vous avez choisi
: anesthésiste-réanimateur en titre ! Avez-vous parfois pensé à ce que
nous avons fait ensemble, avec les moyens réduits dont nous disposions ?
Auriez-vous encore le courage d'opérer dans ces conditions-là ?
"Sachant ce que je sais à présent, m'a-t-il répondu, j'aurais
une peur affreuse s'il me fallait travailler ainsi. Nous n'avons jamais eu
de gros pépin, mais je sais maintenant qu'ils existent et je crois que
j'hésiterais à encourir les risques".
Je sais qu'il n'en pensait pas un mot et qu'en cas de nécessité il
n'hésiterait pas plus qu'autrefois, avec plus de circonspection peut-être,
avec ses connaissances nouvelles, mais avec la même foi dans son métier et
le même amour de son prochain.
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