"Il y a une grande exploitation qui, si elle était sur
un pied moins magnifique, rendrait plus de services au pays. Les plus
belles races bovines y sont réunies aux mérinos les plus fins du canton.
La culture y est variée, soignée; cependant, à tort ou à raison, quand
pour stimuler les cultivateurs on leur parle de Thoury, ils répondent: -
Ah, Thoury ! Thoury ! faites moi millionnaire et je ferai ce qu'on fait à
Thoury -.
Je dirai qu'il y a bien des millionnaires qui ne le font pas; que c'est un
immense avantage pour une commune que d'avoir sous les yeux une ferme
expérimentale où se font des essais de toute nature dont chacun peut
profiter, où se trouvent les instruments aratoires les plus perfectionnés,
les méthodes de culture les plus variées, et qu'il y aurait un véritable
aveuglement, j'ai failli dire une véritable ingratitude, à ne pas
reconnaître les bienfaits d'une telle exploitation.
La terre de Thoury ne répond pas toujours à l'attente du cultivateur qui
fait pour elle de notables sacrifices; mais du moins, je le répète, les
expériences profitent à tous aussitôt qu'elles profitent au propriétaire
de ce bel établissement.
Tout est médiocre à Nargis, excepté ses deux moulins; les bonnes terres
n'y produisent pas plus de 5fr. l'arpent, les vignes, déduction faites des
fais, ne valent pas mieux; les prés ne peuvent pas être portés au-delà de
25 F. Les bois, malgré leur position avantageuse, viennent si mal qu'on
les vend à peine assez cher pour en retirer un revenu de 12 F. par
feuille. |
Le château de Thoury est situé sur la côte qui domine le canal et la
vallée du Loing. On y remarque les fleurs les plus rares, les jardins les
mieux entretenus, et ce qui l'emporte sur tous ces avantages, un maître
qui, faisant un honorable emploi de sa fortune, se plait à propager et à
répandre autour de lui tout ce que ses goûts d'horticulture et d'agronomie
le portent à réunir dans ce beau domaine de Thoury."
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Voici le jugement que fait de lui et de son domaine le Comice agricole de
Montargis:
"Trois cent soixante arpents (1) de terres labourables, portion en terre
franche, portion en terre dite grouettes (2), toutes depuis longtemps
dépouillées d'humus par la culture épuisante adoptée dans le pays, soumis
depuis quelques années par Monsieur Lemesle aux assolements alternés,
portent annuellement 93 arpents de prairies artificielles, 55 à pâtures,
20 arpents de racines fumées à quinze ou seize voitures à trois chevaux;
21 arpents de fourragères, 116 de grains de mars; 55 de blé sur racines ou
fourragères, fumées comme les dernières, et sur défrichis de prairies
artificielles pareillement fumées.
Ces cultures, avec l'aide de 70 arpents de pré, nourrissent sept cents
bêtes à laine, seize vaches, dix élèves bovines, seize boeufs, neuf
chevaux et plusieurs cochons, à peu près l'équivalent d'une tête de gros
bétail pour trois arpents de terres exploitées.
Aux fumiers produits par ces animaux se joignent des composts, des sangs
de boucherie, des os, des chiffons de laine, des cadavres d'animaux amenés
par la chaux à l'état d'engrais, qui ensemble fument par an 14 ou 15
arpents. Nous avons admiré chez Monsieur Lemesle l'art et le soin avec
lequel il rassemble et compose ces engrais divers. Dans le lieu
parfaitement disposé qui sert au dépôt des fumiers d'étables, un réservoir
recueille les eaux de ces fumiers, qui sont ensuite conduites sur les
terres et les prairies artificielles.
De riches récoltes de fourrages et de racines ont permis à Monsieur
Lemesle de substituer à la petite race des bestiaux du pays de grandes
races anglaises et suisses, qui chez lui ont conservé leurs avantages et
leur santé, et ont donné de magnifiques élèves. Les cochons eux-mêmes se
font remarquer au milieu de ce choix de beaux animaux... Dans cette
exploitation on oublie aisément les ressources qu'une grande fortune a
fournies au propriétaire pour ne songer qu'à l'intelligence du
cultivateur."
Un texte plein d'éloges pour cette grande propriété et pour son
propriétaire. |