Le meunier, une fois installé, doit veiller à ce que
son moulin ne "demeure déchalandé par sa faute ou sa négligence, à peine de
dépens, dommages et intérêts à payer". Pour ce faire, le meunier doit
"garnir le moulin de chevaux, suffisamment pour aller quérir les fournées".
C'est ce que l'on appelle le "droit de queste". Le meunier, dans des secteurs
bien définis, peut aller chercher du grain chez les particuliers. Il doit veiller à ne
pas empiéter sur le territoire de "queste" de ses collègues.
Il est responsable du moulin , des "ustensils, chaussées, écluse
et pertuis". Les grosses réparations sont à sa charge. La chaussée doit être
empierrée, les bords de la rivière protégés des éboulements aux moyens de fascines.
Pour fabriquer cet assemblage de branchages, le meunier ne peut sans l'autorisation du
bailleur, "estrogner les aubiers qu'une fois pendant le cours du bail ".
Il doit entretenir son jardin, veiller à ce que les prés ne soient
couverts "d'aucune paille et fumier ". Les terres sont labourées et fumées
"en temps et saison convenables, suivant la coutume du dit lieu ".
Que de contraintes ! Parfois, le seigneur, se montre généreux; aussi
autorise-t-il, Jean Masson, meunier laboureur, de "pêcher en particulier ou en
commun avec les pêcheurs des sieurs Religieux " de l'abbaye de Ferrières. Charité
bien ordonnée commençant par soi-même, il n'oublie pas, après avoir mentionné que
ceci est "sans payer plus grande somme", de faire noter que quatre plats de
poissons lui seront livrés chaque année. Générosité déguisée; il s'agit là d'un
paiement en nature. Si le meunier ne pêche pas, il remettra au bailleur l'équivalent en
argent de ces quatre plats de poisson.
Face à toutes ces contraintes, le meunier n'oublie pas de prendre de
son côté quelques garanties. Comme pour toute location, un état des lieux est
effectué. Sur la réquisition du meunier entrant, le notaire et le meunier sortant vont
établir contradictoirement le procès-verbal de visite du moulin .
Chaque partie a son témoin, parfois son expert. Les témoins sont souvent des meuniers
voisins ou bien Jean Deloince charpentier à Ferrières. On trouve également de simples
témoins sans qualification en matière de meunerie, tels François Gastinois , tissier en
toile à Nargy ou Jean Rivaux, sergent dans le régiment de Champagne.
Tout ce petit monde fait le tour de la propriété, faisant constat de
l'état général du moulin, de ses ustensiles, des chaussées, écluse et pertuis. On
note les réparations à faire; on convient des moyens propres pour les effectuer. On
chiffre, on compte; il est décidé qui effectuera les travaux.
Enfin , après s'être "accordés" chacun signera lorsqu'il
sait le faire, le procès-verbal du "juré", et le nouveau meunier pourra
uvrer dans son intérêt et celui de son seigneur.
Dans quel cadre travaillaient nos meuniers? Au rez-de-chaussée de leur
moulin, on trouvait les engrenages animés par la rotation de la roue. La transmission de
la rotation jusqu'à la meule s'effectuait par l'intermédiaire d'un rouet muni
d'alluchons et d'une lanterne composée de fuseaux.
Nargis - Le Moulin de la Goulette
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