L'an mil neuf cent cinquante quatre, le trois septembre, Nous, Robert
Huet, Protonotaire apostolique, Vicaire Général de l'Evêque d'Orléans,
agissant par mandat spécial de son Excellence Révérendissime Monseigneur
Robert Picard de la Vacquerie, Evêque d'Orléans, avons, à la demande de
Monsieur le Doyen de Beaune-la-Rolande, procédé à la reconnaissance des
reliques contenues dans la châsse en bois doré dite de Saint Pipe placée
sous le Maître Autel de l'église de Beaune.
Nous avons fait cette reconnaissance en présence de: Monsieur le chanoine
Pierre Delahais, curé doyen de Beaune; Monsieur le chanoine Lucien Bard,
curé doyen de la Chapelle-la-Reine, au diocèse de Meaux, ancien curé de
Saint-Mathurin-de Larchant; Monsieur le Docteur Jean Pignot, ex-chef de
clinique à la Faculté de Médecine de Paris, Officier de la Légion
d'Honneur, demeurant à Paris, 82, rue de Rennes et à "La Javelière"
à Montbarrois (Loiret); Monsieur Marc Verdier, Docteur en Droit, demeurant
à Nancy (Meurthe et Moselle), 45, rue Alix-Le-Clerc et à Guercheville
(Seine et Marne).
Sur un papier collé à l'intérieur se trouve l'inscription suivante:
"J'ai été faite à la diligence de Jean Ronceray, Pierre Villemard, Pierre
Ronflard et Jean Lecombe, tous marguilliers, l'an 1726. J'ai couté 319
livres" puis: "Réparée par Lebrun doreur à Orléans en 1864".
Sortant ensuite le contenu de ladite châsse nous avons trouvé:
1° Une enveloppe scellée aux armes de Monseigneur Touchet, contenant une
liasse de papiers et de parchemins au nombre de vingt et un dont
l'inventaire a été dressé par Monsieur Verdier.
2° Un coffret de bois en forme de petite châsse, non scellée mais semblant
l'avoir été autrefois et portant encore des cachets de cire aux armes de
Monseigneur Denis François Bouthilier de Chavigny, archevêque de Sens de
1718 à 1730, ces armes se lisant ainsi d'azur à trois losanges d'or posés
en fasce.
Ledit coffret contenait:
A. - Un linge noué renfermant en grand nombre des débris d'ossements que
Monsieur le Docteur Pignot a examinés et reconnus comme étant des
ossements humains. Toutefois, il a été impossible de préciser à quelle
partie du squelette ils appartenaient. Seuls ont pu être reconnus: des
vertèbres, un fragment d'os du bassin et un fragment du tibia. Quelques
uns de ces os présentent une coloration bleuâtre qui semble due à l'action
du feu.
Parmi ces reliques, ont été prélevées quatre fragments:
a) L'un placé dans un tube de verre scellé remis à Monsieur le chanoine
Delahais pour être déposé dans le buste reliquaire de saint Pipe se
trouvant actuellement au presbytère;
b) Un autre placé dans un reliquaire scellé a été remis à Monsieur le
chanoine Bard pour être déposé dans l'église de Larchant;
c) Un autre placé dans un petit médaillon scellé a été remis à Monsieur le
chanoine Bard, pour lui personnellement;
d) Un autre, enfin, placé dans un tube de verre scellé a été remis à
Monsieur Verdier, pour lui personnellement.
B. - Un petit reliquaire ovale en métal blanc, muni d'une glace et
contenant (dans un morceau de parchemin sur lequel est écrit; "Relique du
chef Monsieur Saint Pipe") un fragment de mâchoire que Monsieur le Docteur
Pignot être la partie gauche du maxillaire inférieur. Ce reliquaire
n'était pas scellé.
C.- Un paquet contenant des os dont l'un est, selon les conclusions de
Monsieur le Docteur Pignot , un fragment de maxillaire concordant
d'ailleurs parfaitement avec le fragment indiqué ci-dessus au paragraphe
B. Plusieurs de ces ossements présentent la teinte bleuâtre déjà signalée.
Ledit paquet pore notamment les inscriptions suivantes: "Multae
reliquiae corporis sancti Pipionis in ecclesia Belnensi reservatae post
translationem factum a Magro Georgio Casse curato die 28 a octobris 1653"
et " Insignis pars reliquarium capitis et corporis Sti Pipionis
reservata Illmo Duo Archiepiscopo Senosensi juxta ejus praescriptum die 28
a octobris 1653 post translationem".
3° Une petite châsse en étain contenant des os que Monsieur le Docteur
Pignot affirme être des fragments de crâne humain. Sur le couvercle de
cette châsse est gravée l'inscription suivante:
"Hic jacet ossea pars capitis sancti Pipionis/ qui ter centano Christi
decesserat anno/ parrochus hanc posuit lectam de corpore/ toto et curavit
opus fabricare Georgius/ ipse Cassius a Senonum Archantistite scriptus et/
ordo est et in argenti thecam translata ab/ eodem est curione novembris
quinta luce/ Kalendas post quinquaginta/ Sexcentos tertio et anno supra
mille die/ festo Jude atque Simonis."
Dans le linge noué indiqué sous le paragraphe A du numéro 2 se trouvaient:
a) un petit morceau de tissu de couleur rose et or; b) une sorte de petit
sac en étoffe de couleur bleue; c) deux morceaux de fine toile qui
semblent avoir formé anciennement l'enveloppe des reliques; d) enfin, une
sorte de petit bonnet orné de pois blancs.
Sur l'intervention de Monsieur Verdier, Monsieur François Boucher, ancien
conservateur du Musée Carnavalet à Paris, délégué général de l'Union
Française des Arts du Costume, a bien voulu examiner les fragments a, b et
c et consulter à leurs sujets plusieurs spécialistes.
De ces examens peuvent ressortir les conclusions suivantes:
L'échantillon a semble être de la fin du 17e siècle, certainement pas
d'origine française, peut-être de fabrication espagnole plutôt
qu'italienne. L'échantillon b doit être de l'extrême fin du 16e siècle ou
du début du 17e siècle, peut être de fabrication française ou de
fabrication italienne. En vue de faciliter éventuellement un examen
ultérieur, nous n'avons pas remis dans la châsse ces deux fragments de
tissus. Quant aux échantillons, le plus léger est une mousseline de soie.
L'autre, avec lisière, est également un tissu de soie du genre "gros de
Tours" dont la chaîne est moulinée à deux trames par chaîne service Z
(selon la formule technique). La trame est également moulinée. Ces deux
tissus semblent dater de la fin du 16e siècle ou du début du 17e siècle.
Il est vraisemblable que ce sont des tissus fabriqués en France.
Nous appuyant sur l'examen des reliques et des document contenus dans la
châsse de saint pipe, Nous attestons: que les ossements sont certainement
humains; que les plus anciens documents parlent de l'incendie qui dévasta
la ville de Beaune pendant la guerre de Cent ans, et dont une partie des
reliques semble encore porter la trace; que l'absence de textes antérieurs
au 15e siècle s'explique certainement par ces évènements; qu'en 1462, une
translation fut faite par Louis de Melun (1)
archevêque de Sens et qu'en 1470 des indulgences furent accordées par le
cardinal Jean d'Albi, ce qui suppose déjà un culte bien établi; que,
depuis, les reliques ont toujours été vénérées comme les reliques de saint
Pipe; que donc il peut être tenu pour raisonnable de vénérer saint Pipe et
de considérer les reliques que renferme la châsse de bois doré placée sous
le Maître Autel de l'église de Beaune-la-Rolande comme étant celles du
saint.
En foi de quoi nous avons dressé le présent procès-verbal.
A Beaune-la-Rolande, le 3 septembre 1954.
Signé: R. Huet, vic. gén., P.Delahais, curé doyen, L. Bard, J. Pignot, M.
Verdier
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