Orléans agréa-t-il expressément ou tacitement sa
requête ? Monsieur Lemesle reçut-il une quasi-autorisation de procéder aux
transformations qu'il avait projetées ? Passa-t-il au contraire à l'exécution de ses
projets, sans se soucier désormais de solliciter des autorisations nouvelles et, à ses
risques et périls, bien déterminé à placer tout le monde devant le fait accompli ?
Rien ne permet d'infirmer ou de confirmer l'une ou l'autre de ces
hypothèses.
Un fait toutefois est indiscutablement certain. Entre 1858 et 1868, les
transformations du moulin de Nançay furent exécutées selon le programme que Monsieur
Lemesle s'était tracé en 1855: transformation des vannes du moulin, établissement de la
station de pompage et canalisation d'adduction du moulin au château. Ces faits ressortent
des déclarations recueillies au cours de l'enquête ouverte sur l'avant-projet
d'amélioration du canal du Loing.
En effet, après la prise de possession des canaux par l'état, alors
que l'on étudiait le projet de porter ces derniers à un tirant d'eau de 1,60m,
l'ingénieur des Ponts et Chaussées chargé de la préparation de l'avant-projet, pouvait
légitimement décrire le moulin de Toury de la façon suivante:
"A l'extrémité aval de la racle, et accolé au pilier droit de
la tête amont de la porte de garde, est établi le moulin de Toury, qui prend ces eaux
dans la racle. Les eaux du Loing sont maintenues au niveau du bief, au moyen d'un barrage
en enrochement formant déversoir de 117,35m de longueur et par un perthuis à deux voies
de 5m de largeur chacune."
Les enquêtes ouvertes en 1868 et 1869 relativement à l'exécution de
l'avant-projet, reproduisent les dires non contredits du propriétaire du moulin de Toury.
Celui-ci affirmait que le moulin avait été construit en vue d'utiliser le maximum des
eaux de la racle de Toury.
Il convient d'entendre par là qu'il revendiquait à son profit le
même droit "à la totalité de la surabondance des eaux non utilisées par la
navigation", qui dans une espèce analogue, et où cependant que l'usinier se
trouvait dans une position moins favorable que lui-même, avait été judiciairement
reconnu par les tribunaux à un usinier (1).
Le moulin disposait alors, d'après lui, d'une force évaluée à 15
chevaux, dont 10 étaient utilisés par l'usine, et 5 servaient à mouvoir une puissante
pompe hydraulique, qui élevait, en 24 heures, 400 mètres cubes de l'eau du Loing (cote
70m environ) au château de Toury (cote 106m environ).
Aucune mention de cette canalisation qui traversait le canal au moyen
du pont, ne figure dans les études de séparation de la racle de Toury, de la suppression
de la porte de garde, de la transformation du pont. Pourtant en 1940, à la suite de
l'explosion du pont, on pouvait voir les éléments de cette canalisation.
En 1874, des travaux importants furent entrepris: séparation de la
racle par la construction d'une digue insubmersible de Brisebarre au moulin de Toury,
suppression de la porte de garde. La rive droite de la rivière fut ainsi déplacée du
côté de la prairie. La masse d'eau dans laquelle puisait le moulin de Toury se trouva
considérablement réduite. Seul, lui parvenait par le Loing, l'excédent, qui, n'étant
pas utilisé par la navigation s'échappait en amont de Retourné.
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