Toujours est-il que l'évolution de la langue se faisant on finit par trouver au XVIIème siècle Nargy (parfois Nergy), puis au XVIIIème, Nargis.

Comment s'appelaient les habitants de Nargis ? Selon Monsieur Paul Gache, " la forme latine milite en faveur d'un terme conservant le son d'un "C" avec une finale marquant l'appartenance, comme le tien ou le mien; donc le nom devrait être Nargicien. Il faut bien reconnaître que cette pratique est fondée, car quelques textes en latin appellent déjà les habitants, Nargicii ce qui est exactement la forme correspondante à Nargiciens ( comme Parisii a donné Parisiens )".

Autrefois l'expression "les bayeux de Nargis" était communément appliquée aux habitants. Un jour (1), un curé récemment installé dans la paroisse fut mandé pour aller porter les sacrements à une femme d'un hameau voisin. Comme il était nouveau, il s'en allait demandant son chemin, écorchant les noms, et du hameau et de la bonne femme. Les paysans qui ne le comprenaient point, bayaient en l'écoutant.

    "Bien sûr !" finit par dire le curé impatienté, "il n'y a que des bayeux dans ce pays".

   "Il n'y a de bayeux" répondit un paysan, "que ceux qui nous ont baillé un curé tel que vous".

En 1993 (tout arrive)- après une tentative référendaire auprès de la population de Nargis, où près de ... 10 personnes donnèrent leur avis, le conseil municipal, décida que désormais, les habitants de Nargis seraient des Nargissiens.

Ce qui me surprit en arrivant dans cette commune, c'était la méconnaissance de son histoire.
On avait vite fait le tour du passé de Nargis, avec les châteaux de Cornou et de Toury, avec des souterrains restés secrets. On avait oublié le creusement du canal, l'attribuant à tort à Henri IV. On ne connaissait pas de personnages importants autres que les Thiballier.

Les recherches faites d'abord à la mairie dans les registres paroissiaux, puis dans les bibliothèques de Montargis, d'Orléans, de Melun et d'Auxerre, me rassurèrent. Nargis était connu et des documents existaient. Bien sûr pas de hauts faits d'armes, mais des actes qui retracent la vie de ces Nargissiens sous Louis XIV et sous les régimes suivants.

En fait d'histoire, les Nargissiens la subirent plus qu'ils ne la firent. Au travers des contraintes royales, seigneuriales, enfin des contraintes de toutes sortes, on survivait.

C'est cette vie oubliée que je tenterai humblement de rendre aux Nargissiens d'aujourd'hui, à tous ceux que j'ai questionnés et qui m'ont gentiment répondu, moi, l'étranger qui venait fouiller le passé de "leur chez eux". Aussi, je leur confie bien volontiers ce travail de quelques années.

 


(1) Manuscrit Charron - Le Gâtinais 1875.