Vie de Saint PIPE

 

D'après la tradition locale, Saint Pipe naquit d'une famille chrétienne, au bois de la Leu, hameau de Beaune-la-Rolande, dans la seconde moitié du IIIe siècle. Il fut d'abord berger, mais prit de bonne heure la résolution de se consacrer à Dieu. Lorsque ses parents moururent, il distribua aux pauvres la plus grande partie de ses biens et alla étudier à Orléans. Il se rendit ensuite à Larchant auprès de son ami Mathurin et, avec lui, se prépara au sacerdoce, Mathurin fut bientôt ordonné prêtre par l'évêque de Sens Polycarpe, mais Pipe ne resta ,jamais que diacre.
Il y avait alors à Rome une princesse, du nom de Théodora, possédée d'un démon. L'empereur Maximien, son père, avait fait venir, pour la guérir, les plus fameux magiciens, mais le démon déclara que seul Mathurin saurait le chasser. Mathurin, mandé par l'empereur, partit pour Rome et y mourut après avoir délivré la princesse.
Pipe avait été retenu en route, à Toulouse, par une fièvre violente. Guéri, il gagna Rome à son tour et ramena à Larchant le corps de Son ami. Il acheva ses jours dans, la solitude près de Beaune-la-Rolande et rendit son âme à Dieu le 2 octobre 306 (1).
Ce récit fut admis jusqu au XVIe siècle. C'est celui que reprirent les Bollandistes dans leur notice sur saint Pipe (2).
Il pose aux historiens des problèmes insolubles en l'état actuel de nos connaissances. En effet, aucun document contemporain ne permet d'en vérifier les éléments car le plus ancien texte connu relatif à saint Pipe ne date que de 1462. On remonte un peu plus loin pour saint Mathurin puisque Usuard, auteur d'un martyrologue au IXesiècle, donne cette brève mention au ler novembre: « ln Pago Vuastinensi, Sancti Maturini Confessoris », mais à aucune des nombreuses questions qui se posent au sujet des récits de la vie de saint Mathurin et de saint Pipe il ne peut être répondu autrement que par des hypothèses. Les passages relatifs à l'ordination de saint Mathurin par un évêque nommé Polycarpe qui ne figure pas sur la liste des évêques de Sens, au voyage à Rome, au retour du corps de Saint Mathurin à Larchant peuvent être contestés et aucun des auteurs qui ont avancé des arguments pour ou coutre, n'a pu apporter dans la discussion d’argument décisif (3).


(1) Au sujet de cette date de 306, il m'a paru inutile de revenir sur une discussion, dont on trouve l'écho dans toutes les notices relatives à saint Pipe rédigées d'après l'Histoire du Gâtinais de Dom Morin et les Bollandistes. Dans la plupart des éditions de l'Histoire du Gâtinais on lit, en effet, au lieu de 306, 1306. Si cette dernière date était réellement celle que voulut indiquer Dom Morin, ce serait une invraisemblance de plus dans le récit de la vie de saint Pipe, et il n'y aurait plus qu'à conclure, avec le Bollandistes, que l'époque où vécut le saint est incertaine. Cette discussion est sans intérêt car la faute d'impression est évidente et le contexte même des chapitres de Dom Morin consacrés à saint Mathurin et à saint Pipe ne laisse aucun doute à cet égard. Il y a bien d'autres fautes dans l'Histoire du Gâtinais ! Il est à noter que la réédition de 1883 de l'ouvrage de Dom Morin donne la date la plus communément admise : 306. Sur l'évangélisation de la région parisienne, un ouvrage récent admet qu'au milieu du IIIe siècle, les églises de Paris, Reims et Trèves représentent l'extrême pointe de l'évangélisation chrétienne du Nord (P. M. Duval, Paris antique des origines au IIIe siècle, à Paris 1961, pp 281-282).
(2) Acta Sanctorum. Tome III d'octobre (Anvers 1770), 7 octobre, pp 965 à 969
(3) Voir notamment en plus des Acta, Eugène Thoison, Saint Mathurin, Paris 1889 et abbé Cochard Les Saints de l'église d'Orléans, Orléans 1879. De ce dernier auteur, un excellent article sur saint Pipe se trouve dans les Annales religieuses et littéraires de la ville et du diocèse d'Orléans, du 24 octobre 1874, page 743 et suiv.