«  Puis, passant de grade en grade successivement et, toujours avec l'estime et  l'amitié de ses chefs, il passe 1er mai  1857 conducteur embrigadé de 1ère classe des Ponts et Chaussées dans les bureaux de  l'Ingénieur en chef (9)».

« Pendant tout le temps de son service, il est affectionné et apprécié en homme du monde par ses chefs qui, tous, en quittant Poitiers ont conservé avec lui les relations les plus amicales. Il sut même se concilier  l'affection de ses égaux qui tous, sans peine, reconnaissaient en lui  quelqu'un de plus élevé qu'eux, et celle de ses inférieurs, qui souvent  avaient recours à lui pour obtenir dans des difficultés de service, soit des conseils, soit cet appui  qu'on obtenait toujours de lui avec cette aménité qui le distinguait entre tous. On peut dire que  c'était pour lui une sorte de jouissance et une gloire sans porter ombrage à qui que ce soit, si ce  n’est  qu'aux égoïstes, qui,  n'étant capables de ne rien faire pour les autres,  n'aiment pas que quelqu'un fasse quelque bien » .

« Ayant énoncé les qualités de Sochaczewski comme employé, il faut dire aussi, que pendant le temps où il remplissait si bien ses fonctions, pas un instant il  n'oubliait ses devoirs les plus sacrés envers son pays. Eux qui avaient dirigé ses pas de Privas à Poitiers comme  l'un des membres les plus actifs à cette émigration par excellence qui avait pris pour but de manifester constamment au-dehors l'esprit national et d'invoquer les droits imprescriptibles de la Pologne. Ainsi protestait-il contre les violences  diverses des temps en permettant  d'éveiller pour la Patrie les sympathies si méritées de toutes les nations libérales de  l'Europe. Appelé par le choix et la confiance de ses compatriotes, tant à cause de son intelligence, de son talent, de sa culture, il travaille plus tard avec quelques autres dans le comité de rédaction du journal polonais qui se rédigeait à Poitiers. Prenant part enfin à toutes les luttes intestines de cette généreuse émigration qui, par ses efforts seuls  et à force de gigantesques sacrifices a fait tant d'oeuvres vraiment utiles, pour la Pologne, il sert ce pays réduit au silence par ses oppresseurs qui a fourni à diverses époques de réveil, tant de héros et de martyrs qui ont fait trembler sur leur trône  jusqu'aux plus acharnés tyrans de la nation polonaise! ».

Le 6 mai 1846, la sanction de la Cour  d'Angers vient à terme. François et Pierre accèdent à nouveau à la Société Démocratique Polonaise. Le chemin politique des deux frères va semble t'il à ce moment s'écarter quelque peu. Pierre pose alors sa candidature aux élections centrales de 1848 où il obtient 1 voix, 5 en  1857. En 1862 il devient correspondant du Comité temporaire de   l'émigration Polonaise, enfin en 1866, membre de l'Union d'émigration Polonaise à Poitiers et membre de l'Institut Polonais. François Sochaczewski n'obtient pas les mêmes succès. La Cour Fraternelle de Reims l'expulse définitivement le 6 juillet 1847. Il ne sera plus guère signalé par la suite que lorsqu'il appose sa signature au bas de l'acte de refus d'amnistie du Tsar en 1856.

« Le 6 septembre 1847 était pour Sochaczewski une date qu'on ne peut pas oublier ici, car  c'est ce jour par  l'amour arrivé, par suite de circonstances qui  l'ont amené en 1844 dans  l'une des familles les plus respectées de Poitiers. Il s’allia avec une femme charmée aussi par sa personne et par ses qualités et, toute pleine d'abnégation, malgré ses charmes, sa jeunesse et ses habitudes  qu'elle sut dompter ; elle a su le rendre heureux jusqu'à la fin, en se modifiant elle-même, suivant les exigences de la position  et du caractère sévère de son mari ».

"L’an mil huit cent quarante sept le six du mois de septembre (10) à sept heures du soir par devant nous Louis Olivier Bourbeau, Maire, Officier de l’état civil de la Commune de Poitiers, département de la Vienne, ont comparu en la Maison commune pour contracter mariage Monsieur François Salezy Polycarpe Sochaczewski, ex-officier de l’armée nationale Polonaise aujourd’hui conducteur des ponts et chaussées, attaché à la généralité du service dans ce département, demeurant en cette ville rue Cloche Perse, âgé de 38 ans, né à Wosniki, Palatinat de Sandomierz, fils majeur et légitime de Monsieur Antoine Sochaczewski, propriétaire, décédé, et de dame Maria Szemzawska, ledit futur époux empêché par la position politique de rapporter les actes nécessaires à la célébration de son mariage ainsi que le constate l’expédition  de l’acte de notoriété dûment homologué qui nous a été remise d’une part, et

Mademoiselle Léontine Aglaé Aristide Mauduyt, sans profession, âgée de 22 ans, demeurant en cette ville, née dans la commune de Gençay voisine le 21 mai 1825, ainsi que le constate l’expédition de l’acte de naissance qui nous a été remise, fille majeure et légitime de Monsieur Lubin Mauduyt, conservateur  d’histoire naturelle et des antiquaires de la ville de Poitiers et de dame Marie Aglaé Beauvisage de Montégu, ci présents et comme étant audit mariage, demeurant ensemble à Poitiers d’autre part,

Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration du mariage projeté entre eux et dont les publications ont été faites le dimanche 22 et 29 du mois d’août dernier à midi, aucune opposition audit mariage ne nous ayant été signifiée, faisons droit à leur réquisition, après avoir donné lecture des pièces ci-dessus mentionnées et du chapitre 6 du titre du Code civil intitulé du Mariage, avons demandé aux futurs époux s’ils veulent se prendre pour mari et femme. Chacun d’eux ayant répondu séparément et affirmativement  déclarons au nom de la loi que Monsieur François Sochaczewski et Mademoiselle Léontine Mauduyt sont unis en mariage.

De quoi avons dressé en présence de Monsieur Marie Anne Antoine Destresnes, ingénieur en chef de première classe au Corps Royal des ponts et chaussées au département de la Vienne, Chevalier de la Légion d'Honneur, âgé de 63 ans, et André Pierre Sochaczewski, conducteur des ponts et chaussées âgé de 33 ans, ce dernier frère de l'époux, de Monsieur Pierre Babault de Chaumont, juge au tribunal de première instance de cette ville , membre du conseil général de ce département âgé de 64 ans parent de l'épouse et Pierre Joseph Théolide Mauduyt, pharmacien âgé de 28 ans frère de l'épouse, demeurant tous en cette ville.

Suivent entre autres, les signatures de

François Sochaczewski, Léontine Mauduyt, Lubin Mauduyt, Marie Aglaé Beauvisage de Montégu enfin celle de Théolide Mauduyt"

 


(9) « En plus de ceux (les exilés) qui avaient un diplôme français, il y avait des Polonais qui, ayant fait des études techniques en Pologne et passé une équivalence en France, obtinrent des postes de conducteurs des ponts et chaussées, Donc environ 500 émigrants travaillaient dans les professions techniques… » (Polskie Drogi Emigracyine par Barbara Konarska)

(10) Registres de l'état civil de Poitiers. Année 1847. acte n°123. Archives Départementales de la Vienne.