Les archives canadiennes sont
plutôt avares de témoignages sur sa carrière militaire au Canada. Comme la
grande majorité des officiers subalternes, il fut d’à peu près toutes les
batailles, y occupant les postes les plus divers, partageant la bonne et
la mauvaise fortune de ses compagnons d’armes.
En 1738, il fut de ceux qui allèrent porter la guerre chez les Indiens
Chicacas, aux confins de la Louisiane, lorsque les autorités militaires, à
la demande du gouverneur de la Louisiane, Le Moyne de Bienville,
résolurent de venger l’échec subi par ce dernier et l’infortuné d’Artaguette,
en 1736. Dans ce but, un corps de troupes canadiennes, accompagné de
quelques centaines de « sauvages » alliés, sous le commandement de Charles
Le Moyne de Longueuil, se rendit prêter main forte à l’armée louisianaise.
Dans la liste des officiers, cadets, soldats et sauvages, Georges de
Gannes figure comme cadet à l’aiguillette. L’expédition partit du fort de
l’Assomption le 2 février 1740, sous le commandement immédiat de Céloron
de Blainville. Dans le récit qu’il a laissé de cet événement, Monsieur de
Léry mentionne, à la date du 23 février, une échauffourée contre les
Chicacas : « Nous revînmes le soir, camper dans un petit fort au même
endroit d’où nous étions partis le matin. Nous n’eûmes que huit blessés
dont deux français, Monsieur de Gannes, cadet, et de Lachauvignerie,
interprète ». Georges de Gannes avait reçu une balle dans la cuisse,
ce qui le laissa infirme (1). Il semble que
la balle ne put jamais être extraite.
C’est à la suite de cette incursion au pays des Chicacas que le baron de
Longueuil écrivait au Ministre en avril 1741 : « Longueuil croit de son
devoir de rendre à votre Grandeur un compte fidèle de tous messieurs les
officiers et cadets qui ont servi avec luy pour la campagne des Chicacas
dont il a eu lieu d’être très content et dont le zèle m’a paru s’augmenter
à chaque difficulté qui s’est rencontrée pendant une aussi longue et
pénible route... Je ne puis, Monseigneur, en général que vous rendre un
très bon compte de tous messieurs les cadets qui ont fait la campagne... »
Le 17 janvier 1753, alors qu’il est nommé aide-major, Georges de Gannes
est chargé par le gouverneur de l’époque, le marquis Duquesne
(2), d’une mission spéciale dans la région de
Trois-Rivières (3). Cet ordre de mission lève
le voile sur la façon de lever les troupes dans le gouvernement de
Trois-Rivières, à l époque de la guerre de Sept Ans.
« Le Marquis Duquesne, Chevalier de l’Ordre Royal et Militaire de
Saint-Louis, Capitaine des Vaisseaux de Sa Majesté, Gouverneur et
Lieutenant Général pour le Roy en toute la nouvelle France, Terres et Pays
de Louisiane.
Il est ordonné au Sieur de Gannes, aide-major du Gouvernement des
Trois-Rivières de partir incessamment de cette ville pour aller dans
toutes les côtes de ce gouvernement y commander trois cent cinquante
hommes forts et vigoureux outre les vingt scieurs de long qui ont été
nommés pour marcher le 28 de ce mois.
Le sieur de Gannes fera rassembler toutes les compagnies pour faire sa
levée qui sera de 175 hommes pour le 10 May et de 175 autres pour le 18 du
même mois.
Il avertira tous les capitaines qu’ils sont responsables des miliciens de
leur compagnie qui auront été commandés, et que s’il en manquait
quelques-uns dans les temps désignés pour le départ sans en avoir averti
assez à temps pour les remplacer, les dits capitaines seront cassés et en
outre punis de six mois de prison et les miliciens qui s’absenteront, d’un
an de prison ; le sieur de Gannes leur dira qu’il n’y aura point
d’exemption pour ceux qu’il aura nommé et que telle est mon intention.
Le sieur de Gannes aura attention de choisir dans ce détachement tous les
ouvriers qui se trouveront comme charpentiers, menuisiers, scieurs de
long, calfats, tailleurs et le plus de voyageurs qu’il sera possible.
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(1) Rapporté par Georges de Gannes lui-même, lorsque le 2 avril 1763,
il adresse de Tours, une supplique au Ministre des Colonies, lettre par
laquelle il sollicite une pension.
(2) Successeur de Beauharnais en 1747, le
gouverneur Duquesne entreprit deux ans plus tard d’étendre les limites de
la Nouvelle-France au sud des Grands Lacs. Pour cela, il favorisa des
expéditions dans la vallée de l’Ohio et jusqu’aux confins de la
Pennsylvanie. Quatre forts jalonnèrent les pistes menant vers le sud. L’un
d’eux, au confluent des rivières Alleghany et Monongahela, prit le nom de
Fort-Duquesne en son honneur. Après la prise du fort le 25 novembre 1758
par les colons britanniques de Pennsylvanie dirigés par Georges
Washington, il fut rebaptisé Fort Pitt. Il est à l’origine de l’actuelle
cité industrielle de Pittsburgh, métropole de l’acier.
(3) « Le texte de cet ordre de mission est
conservé dans les documents de famille des descendants de Gannes, la
famille Rollet. » (Raymond Douville) |